Abdourahmane Sano

Abdourahmane Sano
Prénom
Abdourahmane
Nom
Sano
Pays de naissance
Guinée

Abdourahmane Sano, né en 1958 à Kindia en Guinée, est une figure emblématique de la société civile guinéenne. Ancien ministre de l'Élevage et de la Pêche sous le régime militaire du CNDD, il s'est illustré par son intégrité et son engagement pour la démocratie. Après une carrière réussie dans l'organisation d'événements commerciaux et la promotion du commerce international, Sano s'est imposé comme un leader incontournable de l'opposition civile en Guinée.

Coordinateur du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), il a mené la lutte contre le troisième mandat du président Alpha Condé, s'exposant à des poursuites judiciaires et à la répression. Malgré les pressions, Abdourahmane Sano reste un défenseur acharné de l'État de droit et de la bonne gouvernance, incarnant l'espoir d'une Guinée plus démocratique et prospère.

A lire dans cet article

Introduction

Abdourahmane Sano, surnommé "Doura", est une figure emblématique de la société civile guinéenne. Né en 1958 à Kindia, cet ancien ministre et homme d'affaires s'est illustré comme un fervent défenseur de la démocratie et de l'État de droit en Guinée. Son parcours atypique l'a mené des salles de classe aux plus hautes sphères de l'État, avant de devenir l'un des principaux opposants au troisième mandat du président Alpha Condé. Coordinateur du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), Abdourahmane Sano incarne la résistance pacifique face aux dérives autoritaires du pouvoir. Son engagement sans faille pour les libertés fondamentales et la bonne gouvernance en fait une personnalité incontournable de la vie politique guinéenne.

Enfance et Education

Abdourahmane Sano voit le jour le 27 mars 1958 à Kindia, une ville située à une centaine de kilomètres de Conakry. Il est le fils de feu Elhadj Sékou Sano et de Hadja Fanta Sylla. Le jeune Abdourahmane grandit dans la "ville des agrumes", où il effectue sa scolarité primaire. Il poursuit ensuite ses études secondaires au collège et au lycée de Kindia de 1975 à 1979, année où il obtient son baccalauréat.

Après le bac, Abdourahmane Sano intègre l'Institut Gamal Abdel Nasser de Conakry. Il y décroche en 1984 une Maîtrise en Comptabilité de l'Ecole Nationale d'Administration de l'Université de Conakry. Durant ses études supérieures, il est hébergé par son père adoptif, le très rigoureux enseignant Elhadj Moussa Sano, qui réside à Coronthie dans la commune de Kaloum.

L'année de l'obtention de son diplôme coïncide avec un tournant majeur de l'histoire guinéenne : la mort du président Sékou Touré et l'arrivée au pouvoir de l'armée en avril 1984. Comme tous les jeunes diplômés de l'époque, Abdourahmane Sano est envoyé en "formation civique" au Centre de formation et d'Infanterie (CFIK) du Camp Kèmè Bouréma de Kindia. Cette expérience marque le début de son engagement citoyen.

Carrière professionnelle

La carrière professionnelle d'Abdourahmane Sano débute dans l'enseignement. De 1985 à 1986, il est chargé de cours de comptabilité à l'Ecole Nationale de Secrétariat (ENS) à Conakry. En 1987, il intègre l'administration publique comme Chef de la section Administrative et Juridique à l'Office Guinéen de Publicité (OGP).

Sano fait ensuite ses premiers pas dans le secteur privé en rejoignant la Banque Populaire Maroco-Guinéenne (BPMG) comme Chargé de la Compensation jusqu'en 1993. Parallèlement, il s'investit dans le milieu associatif. Passionné de sports mécaniques, il crée en novembre 1992 la Fédération Guinéenne de Sport de Mécanique (FGSM) et l'Auto Moto Club de Conakry (AMCC), dont il devient le président.

Ses talents d'organisateur sont rapidement repérés. En 1997, il est nommé Président de la Commission d'Organisation du Forum des Investisseurs, qu'il pilote avec succès en mai 1998 sous l'égide de la Primature et du Ministère de la Promotion du Secteur Privé.

Entre 1996 et 2000, Abdourahmane Sano se fait un nom dans l'événementiel en organisant plusieurs expositions internationales en Guinée (Egypte, Syrie, Iran, Maroc, etc.) pour le compte du Centre International d'Echanges et de Promotion des Exportations (CIEPEX). Il met également sur pied divers salons spécialisés comme le Salon International du Meuble et de la Décoration (SIMDEC) ou la Semaine Commerciale de la Rentrée des Classes (SCORCLASS).

Son plus grand succès est la création en décembre 1995 de la Foire Internationale de Conakry (FIC), qui devient la plus importante manifestation commerciale du pays. La deuxième édition en 1997 rassemble 23 pays et près de 450 exposants. La FIC se tiendra tous les deux ans, avec une moyenne de 300 exposants par édition.

De 1995 à 2000, Abdourahmane Sano multiplie les partenariats internationaux pour promouvoir les produits guinéens à l'étranger. Il signe des accords avec le Centre International du Commerce Extérieur du Sénégal, l'Organisation Générale des Foires d'Égypte ou encore la Foire de Belgrade. Il permet ainsi à de nombreux exposants guinéens de participer à des foires internationales au Sénégal, en Égypte, au Japon, en Chine ou au Nigeria.

En 2001, Sano poursuit son action de promotion du commerce et de l'entrepreneuriat en organisant de nombreux séminaires et conférences. Il crée également le Salon de l'Automobile, de l'Industrie et de l'Agriculture (AIA), première foire agricole commerciale de Guinée.

De 2003 à 2007, le gouvernement guinéen le charge d'organiser la 13ème édition de la Foire Commerciale des États membres de l'Organisation de la Conférence Islamique, prévue à Conakry en 2010. Dans ce cadre, Sano initie un ambitieux projet de Parc des foires et expositions internationales, dont les études seront financées par l'Agence Canadienne de Développement International et la Banque Islamique de Développement. Malheureusement, ce projet connaîtra des retards en raison du contexte politique instable de la Guinée entre 2006 et 2010.

Carrière Politique

La mort du président Lansana Conté en décembre 2008 et la prise du pouvoir par une junte militaire ouvrent un nouveau chapitre de l'histoire guinéenne. La réputation d'intégrité et de travailleur acharné d'Abdourahmane Sano attire l'attention du Premier ministre Kabinet Komara, qui le recommande pour le poste de ministre de l'Élevage et de la Pêche.

Sano accepte, un peu à contrecœur, de rejoindre le gouvernement issu du coup d'État de 2008. Il déchante rapidement face à l'amateurisme des militaires et la résurgence des pratiques de corruption. Ses efforts pour remettre de l'ordre dans la délivrance des permis de pêche lui attirent les foudres de certains prédateurs, qui tentent de le mettre en difficulté auprès du capitaine Dadis Camara, chef de la junte.

Mais Abdourahmane Sano tient bon, montrant clairement qu'il a des valeurs et qu'il n'est pas attaché à son poste ministériel au détriment de ses principes. Son intégrité impressionne même Dadis Camara, qui aurait déclaré à son entourage : "Si tout le monde était honnête et travailleur comme Sano, ce pays se développerait très rapidement".

Le massacre du 28 septembre 2009, au cours duquel plus de 150 opposants sont tués par les forces de sécurité, marque un tournant. Horrifié par ces événements, Abdourahmane Sano devient le premier ministre à démissionner du gouvernement de Dadis Camara. Son geste provoque par la suite plusieurs autres démissions.

De son bref passage au gouvernement, Sano laisse le souvenir d'un homme juste et déterminé à améliorer les conditions de vie des pêcheurs et éleveurs guinéens. Cette expérience renforce sa conviction que l'engagement civique est nécessaire pour faire évoluer les mentalités et lutter contre les divisions ethniques entretenues par certains politiciens.

Activiste

Profondément marqué par le massacre du 28 septembre 2009, Abdourahmane Sano décide de formaliser son engagement civique. Il souhaite sensibiliser les jeunes qu'il estime manipulés et enfermés dans le piège de la division ethnique, savamment entretenu par certains partis politiques et des "forces occultes" qui pillent les ressources de l'État.

Sano prend ses distances avec les partis politiques traditionnels et ne participe pas à la campagne électorale de 2010, marquée par des violences. Il préfère s'investir dans le mouvement associatif, devenant dès 2011 un acteur incontournable de la société civile guinéenne.

En 2019, Abdourahmane Sano prend la tête de la Plateforme nationale des Citoyens Unis pour le Développement (PCUD). Cette organisation de la société civile milite pour une meilleure gouvernance et le respect de l'État de droit en Guinée. Sous sa direction, la PCUD devient rapidement une voix critique du pouvoir en place.

La même année, face aux velléités du président Alpha Condé de modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat, Abdourahmane Sano participe à la création du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC). Cette coalition regroupe des partis politiques d'opposition et des organisations de la société civile opposés au projet de nouvelle Constitution.

Nommé coordinateur national du FNDC, Sano devient le fer de lance de la lutte contre le changement constitutionnel. Il organise de nombreuses manifestations pacifiques à travers le pays, malgré la répression violente des forces de l'ordre. Son engagement et son charisme en font rapidement l'une des figures les plus en vue de l'opposition guinéenne.

Lutte contre le troisième mandat d'Alpha Condé

L'année 2020 marque l'apogée de l'engagement d'Abdourahmane Sano contre le projet de troisième mandat d'Alpha Condé. Malgré la pandémie de Covid-19, le FNDC maintient la pression sur le pouvoir à travers des manifestations et des campagnes de désobéissance civile.

En juillet 2020, Sano est placé en résidence surveillée la veille d'une manifestation appelée par le FNDC. Dans une interview accordée à la presse, il déclare : "Alpha Condé doit savoir que le pouvoir ne peut pas être privatisé en Guinée. En tout état de cause, il doit savoir que nous sommes déterminés à l'anéantir et l'amener à se raviser."

Malgré la répression et les intimidations, Abdourahmane Sano reste inflexible dans son opposition au changement constitutionnel. Il dénonce inlassablement ce qu'il considère comme un "coup d'État constitutionnel" et appelle la population à résister pacifiquement.

Le combat du FNDC ne parvient cependant pas à empêcher l'adoption de la nouvelle Constitution en mars 2020, ni la réélection contestée d'Alpha Condé en octobre de la même année. Malgré cet échec, Sano continue à mobiliser la société civile contre ce qu'il considère comme une dérive autoritaire du régime.

Arrestation et Emprisonnement

L'engagement d'Abdourahmane Sano lui vaut d'être régulièrement ciblé par les autorités. En janvier 2023, il est arrêté et inculpé pour "participation délictueuse à des réunions publiques". Cette arrestation fait suite à une réunion organisée dans une école privée de Conakry, que le procureur qualifie de "réunion non déclarée".

Lors de son procès devant le tribunal de première instance de Mafanco, le procureur requiert 18 mois de prison avec sursis contre Sano. Il l'accuse d'avoir tenu des propos visant à "saper le respect dû aux autorités" et d'avoir organisé une réunion sans autorisation préalable.

Cette affaire judiciaire est largement perçue comme une tentative d'intimidation visant à faire taire l'un des principaux opposants au pouvoir en place. Elle souligne également les restrictions croissantes imposées à la liberté de réunion en Guinée.

Position Sous le CNRD

Le coup d'État militaire du 5 septembre 2021, qui renverse Alpha Condé, place Abdourahmane Sano et le FNDC dans une position délicate. D'un côté, la chute du régime qu'ils combattaient depuis des années pourrait être vue comme une victoire. De l'autre, l'arrivée au pouvoir d'une junte militaire dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya soulève de nouvelles inquiétudes quant à l'avenir démocratique du pays.

Dans un premier temps, Sano et le FNDC adoptent une position prudente, appelant la junte à respecter les libertés fondamentales et à organiser rapidement un retour à l'ordre constitutionnel. Cependant, au fil des mois, les relations entre le FNDC et le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) se tendent.

Abdourahmane Sano critique ouvertement la lenteur de la transition et les restrictions imposées aux libertés publiques. Il dénonce notamment l'interdiction des manifestations décrétée par la junte en mai 2022.

La position de Sano sous le CNRD reste celle d'un vigilant défenseur de la démocratie. Il continue à militer pour une transition inclusive et rapide vers un pouvoir civil, tout en dénonçant les dérives autoritaires de la junte au pouvoir.

Vie privée

Malgré son engagement public intense, Abdourahmane Sano reste discret sur sa vie privée. On sait peu de choses sur sa situation familiale ou ses loisirs en dehors de la politique.

Sa passion pour les sports mécaniques, qui l'a conduit à créer la Fédération Guinéenne de Sport de Mécanique dans les années 1990, semble être restée intacte. Cependant, son engagement politique et civique a pris le pas sur cette activité ces dernières années.

Le 13 août 2020, Abdourahmane Sano a été frappé par le deuil avec le décès de sa mère, Hadja Fanta Sylla, à l'hôpital Sinoguinéen de Conakry. Cet événement personnel douloureux n'a pas entamé sa détermination à poursuivre son combat pour la démocratie en Guinée.

Conclusion

Abdourahmane Sano incarne une figure rare dans le paysage politique guinéen : celle d'un homme intègre et déterminé, qui a choisi de mettre son expérience et ses compétences au service de l'intérêt général plutôt que de ses ambitions personnelles.

Son parcours, de brillant organisateur d'événements à figure de proue de l'opposition civile, témoigne d'un engagement constant pour le développement et la démocratisation de la Guinée. Malgré les pressions, les intimidations et les poursuites judiciaires, Abdourahmane Sano est resté fidèle à ses convictions, refusant les compromissions et les sirènes du pouvoir.

La création et la coordination du FNDC marquent sans doute le point culminant de son engagement citoyen. En mobilisant la société civile contre le projet de troisième mandat d'Alpha Condé, Sano a contribué à éveiller les consciences et à renforcer la culture démocratique en Guinée. Si le combat n'a pas abouti à empêcher le changement constitutionnel, il a néanmoins montré la capacité de la société civile guinéenne à se mobiliser pacifiquement pour défendre ses droits.

L'attitude d'Abdourahmane Sano face au CNRD, issu du coup d'État de 2021, démontre sa cohérence et son attachement aux principes démocratiques. Loin de se satisfaire du renversement d'Alpha Condé, il continue à militer pour un véritable État de droit et une transition rapide vers un pouvoir civil.

Le parcours de Sano soulève également des questions sur le rôle et la place de la société civile dans le processus de démocratisation en Afrique. Face à des pouvoirs souvent peu enclins au changement et des partis d'opposition parfois discrédités, des figures comme Abdourahmane Sano incarnent une troisième voie, celle d'un activisme citoyen indépendant et déterminé.

Cependant, le combat d'Abdourahmane Sano n'est pas sans risques ni défis. Les poursuites judiciaires dont il fait l'objet illustrent les pressions exercées sur les voix dissidentes en Guinée. De plus, maintenir l'unité et la mobilisation de la société civile sur le long terme, dans un contexte politique instable, représente un défi constant.