Loffo Camara
Prénom
Loffo
Nom
Camara
Date de naissance
Date de décès
Pays de naissance
Guinée

Loffo Camara (née vers 1925 et décédée le 25 janvier 1971) était une pionnière politique et une figure emblématique de la Guinée post-indépendance. Sage-femme de formation, elle s'est distinguée par son engagement précoce au sein du Parti Démocratique de Guinée (PDG) et son militantisme pour les droits des femmes. Loffo Camara a marqué l'histoire en devenant la première femme ministre de Guinée, occupant le poste de secrétaire d'État aux Affaires sociales de 1961 à 1968. Son parcours exceptionnel l'a également amenée à jouer un rôle important dans le mouvement panafricain féminin, participant à de nombreuses conférences internationales.

Malgré ses contributions significatives, sa carrière fut brutalement interrompue lorsqu'elle tomba en disgrâce auprès du régime d'Ahmed Sékou Touré. Arrêtée en décembre 1970 dans le cadre de l'opération Mar Verde, elle fut exécutée au Camp Boiro le 25 janvier 1971, devenant ainsi l'une des victimes les plus emblématiques de la répression politique en Guinée. Son histoire tragique illustre à la fois les avancées et les revers de la période post-coloniale en Afrique, faisant d'elle un symbole durable de lutte pour l'émancipation des femmes et la démocratie.

A lire dans cet article

Introduction

Loffo Camara (1925-1971) fut une figure emblématique de la politique guinéenne et une pionnière du mouvement panafricain féminin. Première femme à accéder à un poste ministériel en Guinée, elle incarna l'espoir d'émancipation des femmes africaines dans les années post-indépendance. Son parcours remarquable, de sage-femme à secrétaire d'État, témoigne de son engagement indéfectible pour le développement de son pays et l'unité africaine. Cependant, sa carrière fut brutalement interrompue par son exécution en 1971, faisant d'elle l'une des victimes les plus emblématiques du régime autoritaire d'Ahmed Sékou Touré.

Enfance et Éducation

Née vers 1925 à Macenta, dans le sud-ouest de la Guinée, Loffo Camara grandit dans un environnement familial propice à l'éducation. Son père, Balla Camara, exerçait comme médecin africain, tandis que son oncle était infirmier militaire. Cette ascendance médicale influença sans doute sa vocation future.

Loffo Camara bénéficia d'une éducation exceptionnelle pour une femme de sa génération en Afrique de l'Ouest. Elle intégra l'École africaine de médecine de Dakar, où elle obtint son diplôme de sage-femme en 1941. Cette formation, rare pour une femme africaine à l'époque, lui ouvrit les portes d'une carrière prometteuse dans le domaine médical et social.

Carrière professionnelle

Dès l'obtention de son diplôme, Loffo Camara entama une carrière de sage-femme qui la mena dans différentes régions d'Afrique de l'Ouest. Ses premières affectations la conduisirent à N'Guimi au Niger (1941-1943), puis dans un poste non identifié en 1943. En 1947, elle retourna en Guinée et fut affectée à N'Zérékoré.

Au fil de sa carrière, Loffo Camara assuma des responsabilités croissantes dans les structures hospitalières où elle exerçait. Elle travailla notamment à Guéckédou et à l'hôpital Ballay de Conakry, où elle s'impliqua dans l'activité syndicale aux côtés du Dr Ignace Deen. Son engagement professionnel et syndical lui permit d'acquérir une solide expérience dans le domaine de la santé publique et des affaires sociales.

Parallèlement à sa carrière médicale, Loffo Camara développa une passion pour la couture. Cette activité, qu'elle pratiquait avec talent, allait plus tard servir sa carrière politique en lui permettant de tisser des liens étroits avec les femmes de son parti.

Panafricaniste engagée

L'engagement panafricain de Loffo Camara se manifesta dès la fin des années 1950, alors que le mouvement pour l'indépendance prenait de l'ampleur en Afrique. En juillet 1959, elle représenta la Guinée au congrès constitutif de l'Union des Femmes de l'Ouest Africain (UFOA) à Bamako. Lors de cet événement, elle prononça un discours mémorable appelant à l'indépendance totale de l'Afrique et à l'unité africaine.

Son implication dans le panafricanisme féminin se poursuivit avec sa participation à la conférence de la solidarité afro-asiatique à Conakry en avril 1960. À cette occasion, elle rencontra la féministe pacifiste belge Isabelle Blume, déléguée de la Fédération Démocratique Internationale des Femmes (FDIF).

En juillet 1961, Loffo Camara joua un rôle central dans la conférence des femmes de l'Ouest africain à Conakry, qui aboutit à la création du Conseil des femmes de l'Union des États Africains. Son discours d'ouverture, publié dans le journal guinéen Horoya, reflétait sa vision d'une Afrique libre et unie : "Il ne saurait y avoir de paix, de justice et de liberté sur terre sans la fin inconditionnelle du colonialisme, de l'impérialisme et de l'oppression de la femme".

Son engagement panafricain culmina en janvier 1962, lorsqu'elle rédigea le rapport sur le rôle de la femme africaine dans la construction nationale pour le bureau exécutif de la FDIF réuni à Bamako. Cette même année, elle participa aux préparatifs de la Conférence Panafricaine des Femmes prévue à Dar es Salam, en voyageant au Togo, au Niger et au Dahomey (actuel Bénin).

Carrière politique

L'engagement politique de Loffo Camara débuta dès la fin des années 1940 au sein du Parti Démocratique de Guinée (PDG), section guinéenne du Rassemblement Démocratique Africain (RDA). Elle milita d'abord dans la région forestière du sud-est de la Guinée, puis à Conakry et à Dinguiraye.

Son ascension politique fut rapide. En novembre 1956, elle fut élue conseillère municipale de Conakry. Deux ans plus tard, en mai 1958, elle intégra les instances dirigeantes du PDG en tant que déléguée des organisations féminines au sein du bureau politique national.

La carrière politique de Loffo Camara prit une nouvelle dimension après l'indépendance de la Guinée en 1958. Elle fut nommée secrétaire de l'organisation féminine au sein du parti, travaillant aux côtés de Mafory Bangoura, qui en était la présidente.

Première femme ministre

En 1961, Loffo Camara franchit une étape historique en devenant la première femme à intégrer le gouvernement guinéen. Elle fut nommée secrétaire d'État aux Affaires sociales, un poste qu'elle occupa jusqu'en 1968. Cette nomination fit d'elle une pionnière non seulement en Guinée, mais dans toute l'Afrique de l'Ouest nouvellement indépendante.

Dans ses fonctions ministérielles, Loffo Camara mit à profit son expérience de sage-femme et son engagement pour l'émancipation des femmes. Elle œuvra pour l'amélioration des conditions sociales en Guinée, avec un accent particulier sur les droits des femmes et des enfants.

Sa passion pour la couture trouva également une application politique. Elle confectionnait des vêtements pour les femmes du PDG et partageait son savoir-faire, renforçant ainsi les liens au sein du mouvement féminin du parti.

Cependant, la carrière ministérielle de Loffo Camara connut des turbulences. En 1962, lors du séminaire de Foulaya près de Kindia, elle s'opposa, avec d'autres militants de longue date, au cumul des fonctions et à l'entrée dans le bureau politique de cadres n'ayant pas gravi tous les échelons du parti. Cette prise de position la mit en porte-à-faux avec le président Ahmed Sékou Touré.

En 1967, lors du 8e congrès du PDG, Sékou Touré réduisit le nombre de membres du gouvernement de quinze à sept. Loffo Camara figura parmi les huit ministres exclus, marquant le début de sa disgrâce politique.

Circonstances du décès

La chute de Loffo Camara s'accéléra en décembre 1970, lorsqu'elle fut arrêtée dans le cadre de l'opération Mar Verde. Cette opération, menée par des navires portugais à Conakry le 22 novembre 1970, visait à libérer des prisonniers portugais du PAIGC et à renverser le régime de Sékou Touré.

Accusée de complicité dans ce complot, Loffo Camara fut emprisonnée au tristement célèbre Camp Boiro, symbole de la répression du régime de Sékou Touré. Les témoignages rapportent qu'elle y subit, comme d'autres prisonniers, des tortures et des traitements inhumains.

Le 24 janvier 1971, Loffo Camara fut transférée de Kindia au Camp Boiro. Le lendemain, 25 janvier 1971, elle fut abattue par un peloton d'exécution, seule femme parmi un groupe de condamnés. Mamadi Keïta, beau-frère du président Sékou Touré, faisait partie du peloton d'exécution. Sa dépouille fut enterrée dans une fosse commune, sans que sa famille puisse lui rendre un dernier hommage.

Hommage

Plus de cinquante ans après sa mort, Loffo Camara reste une figure emblématique de l'histoire politique guinéenne. Son parcours exceptionnel, de sage-femme à première femme ministre, en passant par son engagement panafricain, en fait un symbole de l'émancipation des femmes africaines.

Malgré les circonstances tragiques de sa disparition, son héritage perdure. Elle incarne la lutte pour les droits des femmes, l'engagement politique et le sacrifice pour ses convictions. Son histoire rappelle également les dérives autoritaires du régime de Sékou Touré et l'importance de préserver la mémoire des victimes politiques.

Aujourd'hui, des voix s'élèvent pour demander la réhabilitation de Loffo Camara et des autres victimes du Camp Boiro. Certains appellent à ce que ses restes soient rendus à sa famille, afin qu'elle puisse enfin recevoir une sépulture digne.

Vie privée

Les informations sur la vie privée de Loffo Camara sont rares. On sait qu'elle était mariée à un instituteur formé à l'École Normale William Ponty de Dakar, mais son nom n'est pas mentionné dans les sources disponibles. Il n'est pas non plus fait mention d'éventuels enfants.

Sa passion pour la couture, qu'elle pratiquait en parallèle de ses activités politiques, offre un aperçu de sa personnalité au-delà de ses fonctions officielles. Cette activité lui permettait de maintenir un lien étroit avec les femmes de son parti et de la société guinéenne en général.

Conclusion

Loffo Camara demeure une figure importante de l'histoire politique guinéenne et du mouvement panafricain. Son parcours exceptionnel, de sage-femme à première femme ministre de Guinée, témoigne de sa détermination et de son engagement pour le développement de son pays et l'émancipation des femmes africaines.

Bien que sa carrière ait été brutalement interrompue par son exécution en 1971, son héritage continue d'inspirer les générations suivantes. Son histoire souligne l'importance de la participation des femmes à la vie politique et sociale, tout en rappelant les défis et les risques auxquels peuvent être confrontés ceux qui osent s'opposer à un régime autoritaire.

La trajectoire de Loffo Camara, de son ascension politique à sa chute tragique, illustre les espoirs et les désillusions de la période post-indépendance en Afrique. Elle incarne à la fois les progrès réalisés en matière de droits des femmes et les dérives autoritaires qui ont marqué certains régimes africains.

Aujourd'hui, alors que la Guinée et l'Afrique continuent de faire face à des défis en matière de gouvernance et de droits humains, l'histoire de Loffo Camara reste d'une actualité brûlante. Elle nous rappelle l'importance de préserver les acquis démocratiques, de promouvoir l'égalité des sexes et de rendre hommage à ceux qui ont sacrifié leur vie pour leurs convictions.