Ahmed Sékou Touré

Ahmed Sékou Touré
Prénom
Ahmed Sékou
Nom
Touré
Date de naissance
Date de décès
Pays de naissance
Guinée

Ahmed Sékou Touré (1922-1984) était le premier président de la République de Guinée et une figure majeure du mouvement indépendantiste africain. Issu de l'aristocratie mandingue, il s'est d'abord fait connaître comme syndicaliste avant de devenir le leader du mouvement pour l'indépendance de la Guinée. Il a conduit le pays à son indépendance en 1958, rejetant l'offre française d'intégrer la Communauté française.

Son règne de 26 ans a été marqué par l'adoption initiale d'un régime socialiste, un rapprochement avec le bloc de l'Est, puis un virage vers le libéralisme économique dans les années 1970. Bien que reconnu pour ses efforts de développement national et son rôle dans le panafricanisme, son régime a également été caractérisé par une répression politique sévère et des violations des droits de l'homme, laissant un héritage controversé dans l'histoire de la Guinée et de l'Afrique post-coloniale.

A lire dans cet article

Introduction

Ahmed Sékou Touré, né le 9 janvier 1922 à Faranah en Guinée et décédé le 26 mars 1984 à Cleveland aux États-Unis, fut le premier président de la République de Guinée. Figure majeure du mouvement indépendantiste et du panafricanisme, il a dirigé le pays de son indépendance en 1958 jusqu'à sa mort en 1984. Son règne de 26 ans a été marqué par une rupture avec l'ancienne puissance coloniale française, l'adoption d'un régime socialiste puis un virage vers le libéralisme économique, ainsi que par une répression politique controversée.

Enfance et Éducation

Issu de l'aristocratie mandingue et soninké, Sékou Touré avait pour grand-mère maternelle Bagbè Ramata Touré, fille de l'Almamy Samory Touré, célèbre résistant à la colonisation française en Afrique de l'Ouest. Son père, Alpha Touré, était un boucher soninké d'origine soudanaise (actuel Mali).

Élevé dans la religion musulmane, le jeune Sékou fréquente d'abord l'école coranique avant d'intégrer l'école française. Il poursuit ses études au lycée technique Georges-Poiret de Conakry, d'où il est renvoyé à 15 ans pour avoir mené une protestation contre la nourriture servie. Durant sa jeunesse, il s'intéresse aux écrits des philosophes communistes, en particulier Marx et Lénine, qui influenceront sa pensée politique future.

Lutte pour l'Indépendance

Avant l'indépendance, Sékou Touré travaille pour les services postaux (PTT) où il se heurte à un plafond de verre dans son ascension professionnelle. Il se tourne alors vers le syndicalisme, devenant en 1945 secrétaire général du premier syndicat fondé en Guinée, celui des postiers. Il contribue ensuite à organiser l'Union des syndicats confédérés de Guinée (USCG), affiliée à la CGT.

En 1947, il participe à la fondation du Parti démocratique guinéen (PDG), antenne locale du Rassemblement démocratique africain (RDA), qui milite pour la décolonisation. Il devient l'un des dirigeants du RDA, travaillant étroitement avec Félix Houphouët-Boigny, futur président ivoirien.

Après deux échecs aux élections législatives françaises en 1951 et 1954, Sékou Touré est élu maire de Conakry en 1955, puis député en 1956. Il utilise ces positions pour critiquer le pouvoir colonial. En 1957, il organise l'Union générale des travailleurs d'Afrique noire.

Le tournant décisif a lieu le 25 août 1958, lors de la visite du général de Gaulle à Conakry. Sékou Touré prononce un discours affirmant la volonté d'indépendance de la Guinée, déclarant préférer "la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l'esclavage". Le 28 septembre 1958, la Guinée vote massivement "Non" au référendum sur la Communauté française proposée par de Gaulle, devenant ainsi le seul territoire d'Afrique francophone à choisir l'indépendance immédiate.

Premier président de la république de Guinée

Le 2 octobre 1958, la Guinée accède à l'indépendance avec Sékou Touré comme premier président. Les débuts sont difficiles : la France retire précipitamment son personnel et son aide, laissant le jeune État dans une situation précaire.

Sékou Touré se tourne alors vers le bloc de l'Est, adoptant une politique économique marxiste avec la nationalisation des entreprises étrangères et une planification centralisée. Il reçoit le Prix Lénine pour la paix en 1961 à Moscou.

Sur le plan intérieur, Sékou Touré instaure un régime de parti unique autour du PDG. Il lance des projets de développement et met l'accent sur la promotion de la culture nationale guinéenne, notamment à travers la musique.

Rupture avec la France

De 1965 à 1975, la Guinée rompt toutes relations diplomatiques avec la France. Sékou Touré accuse régulièrement l'ancienne puissance coloniale de fomenter des complots pour le renverser. Cette période est marquée par une forte répression contre l'opposition, justifiée par la crainte d'interventions étrangères.

Le régime se rapproche du camp socialiste, bénéficiant d'aides chinoises et soviétiques. Sékou Touré devient une figure importante du mouvement panafricain et du non-alignement. Il soutient les mouvements de libération en Afrique, notamment l'ANC de Nelson Mandela, et offre l'asile à des militants afro-américains comme Stokely Carmichael.

Les relations avec la France ne commenceront à se normaliser qu'à partir de 1975, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing.

Adoption du libéralisme économique

À partir des années 1970, face aux difficultés économiques persistantes, Sékou Touré amorce un virage vers le libéralisme économique. En 1978, il renonce officiellement au marxisme et cherche à attirer les investissements occidentaux pour développer les ressources minières du pays.

Cette évolution s'accompagne d'un certain assouplissement politique. En 1977, après des émeutes contre les restrictions commerciales, Sékou Touré relâche les contrôles sur le commerce, offre une amnistie aux exilés et libère des centaines de prisonniers politiques.

En 1982, il est réélu sans opposition pour un quatrième mandat de sept ans. L'été suivant, il effectue une visite aux États-Unis pour promouvoir les investissements en Guinée, admettant l'échec de sa politique marxiste antérieure.

Développement sous son régime

Malgré les difficultés économiques, le régime de Sékou Touré a réalisé certains progrès en matière de développement :

  • Éducation : expansion du système éducatif, campagnes d'alphabétisation
  • Santé : construction d'hôpitaux et de centres de santé
  • Infrastructure : développement du réseau routier et ferroviaire
  • Culture : promotion des langues et traditions guinéennes, création du label musical national Syliphone

Cependant, ces réalisations ont été limitées par la mauvaise gestion économique et l'isolement international durant de nombreuses années.

Situation politique en Guinée

Le régime de Sékou Touré était caractérisé par un système de parti unique centré sur le PDG. Toute opposition était sévèrement réprimée, notamment à travers le tristement célèbre camp Boiro.

Selon Amnesty International, environ 50 000 personnes auraient été assassinées sous le régime de Sékou Touré entre 1958 et 1984. Des milliers d'opposants et d'intellectuels ont fui le pays pour échapper à la répression.

Cette répression a culminé après la tentative d'invasion portugaise de novembre 1970, connue sous le nom d'opération "Mer Verte". L'échec de cette opération a entraîné une vague de répression sans précédent touchant l'ensemble de la société guinéenne.

Mort et fin du régime

Le 26 mars 1984, Ahmed Sékou Touré décède à Cleveland (États-Unis) lors d'une opération cardiaque d'urgence. Sa mort inattendue provoque une crise politique en Guinée.

Le Premier ministre Louis Lansana Beavogui devient président par intérim, mais une semaine plus tard, le 3 avril 1984, l'armée prend le pouvoir par un coup d'État. Le colonel Lansana Conté devient le nouveau chef de l'État, mettant fin à 26 ans de règne du PDG.

Les nouvelles autorités libèrent environ 1 000 prisonniers politiques et ferment le camp Boiro, symbole de la répression sous Sékou Touré.

Hommages

Malgré la controverse entourant son régime, Sékou Touré reste une figure importante de l'histoire guinéenne et africaine. Plusieurs lieux portent son nom :

  • L'aéroport international de Conakry a été rebaptisé aéroport international Ahmed-Sékou-Touré en 2021
  • Le palais présidentiel de Guinée est appelé Palais Sékhoutouréya
  • Des rues portent son nom dans plusieurs villes africaines (Accra, Cotonou)

Prix et récompenses

  • Prix Lénine pour la paix (1960)
  • Grand croix de l'ordre du Mérite de la Guinée
  • Grand croix de la Légion d'honneur (France)

Vie Privée

Ahmed Sékou Touré était marié à Andrée Touré (de 1953 à sa mort en 1984). Ils ont eu deux enfants : Aminata et Mohamed.

Publications

Sékou Touré a été un auteur prolifique, publiant de nombreux ouvrages sur sa vision politique et économique. Parmi ses œuvres les plus connues :

  • "L'Afrique en marche"
  • "Révolution et religion"
  • "Expérience guinéenne et unité africaine"
  • "Stratégie et tactique de la révolution"
  • "Des États-Unis d'Afrique"

Il a également publié un recueil de poèmes.

Conclusion

Ahmed Sékou Touré reste une figure complexe et controversée de l'histoire africaine. Premier président de la Guinée indépendante, il a joué un rôle crucial dans la lutte contre le colonialisme et la promotion du panafricanisme. Son régime a connu des évolutions importantes, passant du marxisme au libéralisme économique.

Cependant, son bilan est assombri par la répression politique et les violations des droits de l'homme qui ont marqué son règne. La Guinée sous Sékou Touré a connu des avancées en matière d'éducation, de santé et d'infrastructure, mais aussi des difficultés économiques persistantes liées à la mauvaise gestion et à l'isolement international.

L'héritage de Sékou Touré continue de susciter des débats en Guinée et au-delà. Si certains le célèbrent comme un héros de l'indépendance et un leader panafricain visionnaire, d'autres soulignent les dérives autoritaires de son régime. Son parcours illustre les défis auxquels ont été confrontés de nombreux leaders africains post-indépendance, entre aspirations au développement, affirmation de la souveraineté nationale et tentation du pouvoir personnel.

Aujourd'hui, la figure de Sékou Touré reste incontournable pour comprendre l'histoire de la Guinée et les dynamiques politiques de l'Afrique post-coloniale. Son influence se fait encore sentir dans la vie politique guinéenne, plus de trois décennies après sa disparition.